. Ithaque and . Au-retour-d'ulysse, Trouver les mots, donc, ou plutôt écrire, comme on l'aura compris ; et tout maintenir en mémoire : « Claire n'oubliait rien » (LP, 110) ; on ne s'étonnera donc pas non plus de la litanie des dates et des chiffres, soigneusement reliés entre eux dans Les Derniers Indiens : « C'était deux mois après la mort de Pierre » ; « dix jours après son arrivée » ; Jean est né « onze mois après Marie, trois mois après le départ du père ». Claire constitue « ses archives », que sont les lettres classées par ordre chronologique. Ce goût de l'archivage s'accompagne d'une comptabilité exacte, voire maniaque, LP, 49) 13 . On aperçoit ainsi une possible réparation de la rupture entre les deux mondes, dont l'aspect le plus cruel, le plus vif, est la faille temporelle

, Ainsi Claire, parfaitement en rythme avec la vie moderne, conserve l'empreinte de la temporalité première ; elle aussi a le goût du rituel qui « rassure et met de l'ordre » (LP, 121) ; dans la ville dépourvue de saisons, le « bleu des étés », la « tiédeur de midi », « le mois de juin trop luxuriant, trop capiteux », sont « infusés » en elle « dans son sang

, Et elle feint de croire que si elle a la force de s'arracher à cette mélancolie, c'est parce que « les volcans antédiluviens assoupis sous leur croûte épaisse et ronde font à qui veut, par sourde et sûre transfusion, ce don de l'élan organique, du feu vital ». Le registre lexical qui désigne Claire est tout d'énergie et de pugnacité : elle « jetait chaque jour ses jeunes forces dans la lutte des études qui était sa guerre » (LP, 85), Dès lors il est possible de saisir la singularité de Marie-Hélène Lafon par rapport à ceux qu'elle nomme son « triangle des Bermudes » -Michon, Bergounioux, Millet-par rapport à leurs encres noires

». Cet-«-acharnement-À-vivre and M. Cet-Élan-organique-sont-bien-ce-qui-distingue, Tout se passe comme si elle voulait secouer de ses épaules l'humeur noire qui les habite. Déjà, elle n'est plus de la même génération ; son oeuvre s'inscrit après le basculement du millénaire ; et malgré les sombres récits dont elle fait son matériau, elle affirme son refus de s'en tenir à la nostalgie : « c'était autre chose qui n'avait pas de nom, une féconde incomplétude et une grammaire intime très indéchiffrable » 14 . Le manque, la faille se convertit donc en « croisée », plus positive, et plus fertile ; la « grammaire intime » requiert un déchiffrage infini

, Il faudrait souligner encore la coprésence des existences dans les immeubles parisiens : des vies ont leur cours là, empilées, du rez-de-chaussée au cinquième étage, vol.157

L. Pays, , p.86

, Je fais référence au volume collectif dirigé par Jean Kaempfer (Lausanne, Archipel « Essais », 2012) qu'il a intitulé avec bonheur Tensions toniques

. Précisons-que-marie-hélène-lafon-ne-s, En elle se réconcilient donc la temporalité moderne et le temps long, géologique, qu'ont imprimé dans sa chair les volcans, et la Santoire. Elle vit et écrit à une époque où on installe des pyramides en plexiglas dans la cour du Louvre, en plexiglas comme le pare-brise des tracteurs modernes. Contrairement à celui de Pierre Jourde, son pays justement n'est pas « perdu » 16 . Enfin, on ne peut s'empêcher de songer, pour un écrivain qui a été fortement marqué par son enfance « d'église », à la « croisée » du transept : Marie-Hélène Lafon ne veut certes pas construire son oeuvre comme une ambitieuse cathédrale à la manière de Proust ; mais à coup sûr elle la fait reposer, cette oeuvre présente et à venir, telle la voûte romane