Théâtre et théâtralisation : les représentations contrastées de Henry Avery, pirate et « roi » de Madagascar au début du XVIIIe siècle.
Résumé
The Successful Pyrate, pièce de théâtre centrée sur le personnage d’Avery, est une comédie de Charles Johnson, jouée en 1712, dont le texte fut publié peu après (1713). Le cadre en est l’empire d’Arviragus (Avery) sur l’île de Saint-Laurent, ancien nom de Madagascar. Cette comédie volontiers spirituelle, héritière, en cette période augustéenne, du théâtre de la Restauration, présente fréquemment une dimension satirique, non contre les pirates de l’océan Indien, mais contre l’Angleterre contemporaine de l’auteur, satire permise par le déplacement et la distanciation du cadre (le thème de la piraterie semblant dire que les Anglais eux-mêmes ne valent pas mieux que des forbans). La pièce mêle en outre, à une double intrigue amoureuse, une intrigue à caractère plus politique.
A des fins comparatistes, nous nous permettrons des allusions occasionnelles à d’autres œuvres et textes mettant en scène le personnage de Henry Avery ; pas nécessairement théâtrales, d’ailleurs, mais pouvant souvent être théâtralisées ou évaluées, dans une certaine mesure du moins, à l’aune des textes dramatiques, par exemple The King of Pirates de Defoe, récit épistolaire apparemment dû à la plume d’Avery lui-même : une mise en scène est possible, en monologue. On pourrait songer à un autre type de théâtralisation, si l’on peut dire, l’« exposition » lors de procès, à l’instar de celui de certains compagnons de Henry Avery, où les accusés « brought to the Bar » se retrouvent sur la scène de la justice, la liste de leurs noms ou de ceux des autres « acteurs » du procès présentant, elle, des similitudes formelles très nettes avec les dramatis personae.