"À qui profite la citoyenneté européenne ?", Le Dossier : A qui profite le droit ?, Actes du colloque de Clermont-Ferrand du 26 mars 2015, textes réunis par F. Brunel, I. Guilhen, D. Huet et P-H. Paulet, La Revue du Centre Michel de l'Hospital [ édition électronique ], 2017, n° 11, pp. 97-103 - Université Clermont Auvergne Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue La Revue du Centre Michel de l’Hospital - édition électronique Année : 2017

"À qui profite la citoyenneté européenne ?", Le Dossier : A qui profite le droit ?, Actes du colloque de Clermont-Ferrand du 26 mars 2015, textes réunis par F. Brunel, I. Guilhen, D. Huet et P-H. Paulet, La Revue du Centre Michel de l'Hospital [ édition électronique ], 2017, n° 11, pp. 97-103

Résumé

Les esprits chagrins pourraient prétendre, à la lecture du titre de cette intervention, que l'Union européenne (UE) est à ce point enfermée dans une logique économique libérale que même la citoyenneté européenne doit profiter à quelqu'un. Comme si cette notion, pourtant éminemment politique, ne pouvait, dans le contexte de la construction européenne, échapper au prisme du marché. Cette première approche n'est pas dénuée de tout fondement, car la citoyenneté européenne est apparue, à la fois comme un complément des libertés qui, initialement, avaient été conçues comme étant exclusivement économiques, mais aussi comme un amplificateur potentiel du statut-économique lui aussi-dont bénéficie le ressortissant d'un État membre, depuis la création de la Communauté économique européenne. Toutefois, ce serait oublier sans doute que, si le mot « profit » a incontestablement une acception financière, il peut également être compris de façon plus globale, comme se référant à un avantage, ou à un bénéfice, qui peut être intellectuel, moral, mais aussi politique, ou même symbolique. Pour mémoire, la citoyenneté européenne a vu le jour dans le Traité de Maastricht. Elle a été conçue comme s'ajoutant à la citoyenneté nationale, sans avoir vocation à la remplacer 1. Il s'agit d'une citoyenneté octroyée aux ressortissants des États membres de l'Union européenne (UE), mais déconnectée d'une nationalité propre. Elle est donc souvent présentée comme un modèle d'une citoyenneté innovante et moderne, car post-nationale. Afin de la rendre visible et concrète aux yeux de ses titulaires, elle a été assortie de droits, créés à cette occasion. Il s'agissait ainsi de montrer aux nationaux des États membres que la construction européenne n'était pas réservée aux entreprises, qu'elle n'avait pas seulement pour vocation de construire un marché, mais qu'elle avait également un sens et un intérêt pour les particuliers, y compris ceux qui ne tiraient pas déjà un bénéfice professionnel de l'existence du marché commun. Symbole du dépassement d'une Europe économique et de la marche vers une Europe politique, « vecteur d'une démocratie européenne en construction » 2 , elle est censée provoquer un sentiment d'appartenance des citoyens à l'UE, une adhésion à la poursuite de la construction européenne et, par répercussion, une consolidation de l'Union 3. Dès lors, la citoyenneté européenne est conçue comme devant être profitable aussi bien à ses titulaires qu'à l'UE elle-même. Aux citoyens européens, car elle leur procure des droits nouveaux, qu'ils ne détenaient pas (ni ne pourraient détenir) en vertu du droit national 4 et qui doivent leur permettre de devenir bénéficiaires, voire acteurs, de l'action de l'Union. À l'UE également, en lui permettant de se développer au-delà de son champ économique initial et en constituant un élément essentiel de la construction d'une Europe politique. Ces objectifs n'ont en fait été que très partiellement atteints, même si les sondages de l'eurobaromètre indiquent que le sentiment européen progresse régulièrement (en 2014, 65% des Européens disent se sentir citoyens européens). D'une part, on peut se « sentir citoyen européen » sans pour autant être correctement informé du statut de cette citoyenneté et des droits qui en découlent, sans se sentir concerné par les actions de l'Union et sans adhérer à ses décisions, ni même à son orientation générale. Dès lors, ce type de sondage ne peut pas réellement rendre compte de l'état de l'adhésion des ressortissants des États membres à la construction européenne et reste d'une faible utilité quand il s'agit de mesurer si les citoyens européens estiment, ou non, tirer un avantage de l'octroi de cette citoyenneté complémentaire. Et ce d'autant plus qu'il existe de nombreux signes qui rendent beaucoup plus pessimistes sur le degré d'identification des citoyens à l'Union européenne. Parmi ceux-ci, la méconnaissance des droits découlant de la citoyenneté européenne (le même sondage indique que 62% des citoyens aimeraient en savoir plus sur les droits qu'ils détiennent), la baisse régulière de la participation aux élections au Parlement européen depuis la première 1 Art. 9 TUE. 2 F. CHALTIEL, « Qu'est-ce qu'un citoyen européen ? », in Chemins d'Europe. Mélanges en l'honneur de Jean-Paul Jacqué, Dalloz, 2010, p. 176. 3 La citoyenneté européenne participe ainsi à la construction d'une identité politique européenne : Y. BERTONCINI et T. CHOPIN, Politique européenne. États, pouvoirs et citoyens de l'Union européenne, Presses de Sciences po et Dalloz, collection Amphi, 2010, p. 87 et s. ; C. BERTRAND, « Une citoyenneté européenne en quête d'une identité », in P. ICARD (dir.), Une citoyenneté européenne dans tous ses états, Presses Universitaires de Dijon, 2009, p. 39. 4 En effet, ces droits doivent leur être reconnus par leur État de nationalité, mais aussi par les autres États membres et par l'Union elle-même. La Cour a d'ailleurs veillé à ce que le bénéfice de ces droits soit effectif. V. L. AZOULAI, « La citoyenneté européenne, un statut d'intégration sociale », in Chemins d'Europe. Mélanges en l'honneur de Jean-Paul Jacqué, précité, p. 5, qui note que, « sans l'intervention d'un juge, la seule inscription de la qualité de citoyen de l'Union dans le traité n'aurait pas suffi ».

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Christine Bertrand. "À qui profite la citoyenneté européenne ?", Le Dossier : A qui profite le droit ?, Actes du colloque de Clermont-Ferrand du 26 mars 2015, textes réunis par F. Brunel, I. Guilhen, D. Huet et P-H. Paulet, La Revue du Centre Michel de l'Hospital [ édition électronique ], 2017, n° 11, pp. 97-103. La Revue du Centre Michel de l’Hospital - édition électronique, 2017, n° 11, pp. 97-103. ⟨hal-01679599⟩

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